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14 JANUARI 2017 |
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Pour fêter Yennayer 2967, le nouvel an berbère, célébré du 12 au 14 janvier 2017, l'Espace Magh, Rue du Poinçon, a vu grand: dans l'après-midi une conférence- débats avec plusieurs intervenants illustres dont Myriam Demnati; membre de l’Observatoire amazigh des droits et des libertés ou Ahmed Aassid, écrivain et militant politique amazighe. Le soir, à partir de 19:30', des concerts festifs avec des artistes de différentes régions amazighes. L'événement est organisé en partenariat avec les associations Tazdayt, Tifawin, la Fédération des Espoirs d'Al Hoceima et Hiwar. La théâtre fait, naturellement, salle comble! La présentation est confiée à deux charmantes hôtesses et au comédien Ben Hamidou, chargé de traduire en français les interventions de ses séduisantes collègues. Le programme de la soirée s'avère des plus copieux: Hicham Massine, Lina Charif, Milouda Alhoceima, Karima Dakir, De Dans-«Ruh», Fatoum et le groupe Nagham Zikhrayet sont à l'affiche. Les hostilités, en présence de la Ministre Fadila Laanan et de l'échevin Mohamed Ouriaghli, débutent avec une vingtaine de minutes de retard, de courtes allocutions des différents comités organisateurs, de la ministre-présidente et du responsable de l'Espace Magh précèdent les spectacles musicaux. Le public, impatient, est donc déjà chaud dès qu'apparaît Milouda Alhoceima. La native du Rif, désormais anversoise, est une star de la culture berbère. Ce soir, elle est accompagnée par deux musiciens ayant abandonné les instruments rifains ancestraux, ils se présentent armés d'une guitare et d'un jeu de synthétiseurs. Les sonorités occidentales ne terniront nullement les chants berbères chatoyants repris en choeur par une partie imposante de l'auditoire. Il ne faudra pas plus de deux minutes pour entendre une de tes voisines, passablement fébrile, entamer des youyous joyeux qui ajoutent une note folklorique à l'expression musicale déjà fort colorée. La première plage, longue de plus de quinze minutes, a permis au public de s'échauffer, le second chant proféré par Milouda est tout aussi expressif et loquace, les gosses assis derrière-toi ouvrent de grands yeux en reluquant quelques matrones ayant quitté leur siège pour se lancer dans une danse, sans l'habit traditionnel, souple et ondulante. Bien vite, un quinquagénaire, agile, les rejoint tandis que la salle bat des mains. Miss Youyou, encouragée par ses copines, escalade les marches l'amenant sur scène et vient terminer le couplet avec la star amazighe. Le set fort applaudi s'achève sur ce fait d'armes improvisé. Toujours aucune trace de fotoman Michel requis à son boulot, il a déjà manqué un numéro dépaysant! Après une présentation, humoristique, pour Ben (les Flamands sont les Berbères de Belgique), consciencieuse, pour son pendant féminin, la seconde artiste, Karima Dakir, installée à Bruxelles, est invitée à investir la scène. Un groupe imposant (basse, drums, percussions, claviers, violon, guitare, flûte) précède l'arrivée de Karima. Parmi les musiciens tu reconnais Esinam Dogbatse, la jeune flûtiste qui accompagne bon nombre de jazzmen (et women) nationaux. Grand cérémonial, Karima, magnifiquement parée, s'est installée dans un coin pour entamer un premier chant lancinant, tandis que les danseuses de l'ensemble de Dans - "Ruh" de la chorégraphe Annick Baillieul se présentent d'un pas majestueux, l'une d'entre elles est coiffée d'un plateau sur lequel reposent plusieurs cierges allumés. Ce spectacle digne d'un conte des Mille et Une Nuits émerveille l'assemblée. Après le départ de la troupe virevoltante, Karima prend place sur un siège installé au milieu de la scène, saisit un oud pour amorcer avec le groupe une composition arabo-andalouse ciselée, sa voix a le don de te transporter loin de la triste et froide Bruxelles vers un horizon plus gracieux et raffiné, où tu n'as qu'à tendre la main pour cueillir des dattes fraîches. Après un mouvement mélodieux passablement mélancolique, la chanson s'agite et les danseuses resurgissent comme par enchantement. Morceau achevé, le public se redresse pour ovationner cette éclatante prestation. Nog geen fotograaf, il vient de louper un second numéro magique. Interlude et nouveau tableau de la troupe Dans - "Ruh", une danse des foulards aussi séduisante que celle des sept voiles interprétée par une fille d'Hérodiade. Michel est au balcon. Waar ben je? Rang trois, à côté de Diam's. Ik kom! En piste: Lina Charif avec les mêmes musiciens que ceux qui avaient accompagné Karima Dakir, c à d le groupe Nagham Zikhrayet, dirigé par le fabuleux violoniste Karim Lkiya |
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Lina est jeune, 19 ans, est arrivée à Lille il y a peu et est considérée comme l'étoile montante du chant populaire rifain basé sur l'Izran (des poèmes transmis transmis oralement de génération en génération). Elle chante l'amour, la fierté d'appartenir à la société amazighe et les causes sociales, en s'accompagnant au bendir ou à la guitare, la mélancolie exprimée par ses mélodies est souvent renforcée par les accents d'un violon omniprésent. Musicalement, son exposé peut être comparé à certaines complaintes originaires de Galice ou d'Irlande, de temps en temps, la jeune personne s'éloigne du patrimoine berbère pour proposer des titres plus modernes. Sa voix claire, puissante et profonde a fait forte impression, la salle lui a fait un triomphe. Ben Hamidou est chargé de meubler le temps mort instauré pour permettre aux techniciens de monter l'équipement de l'artiste suivant. Ce mec est un génie, quand on a une grand-mère surnommée Geronimo, déclarée morte pendant près de deux heures avant de revenir miraculeusement à la vie sans que le tout Molenbeek ne se soit tapé La Mecque et que cette même auguste personne, à la caisse du Sarma, décide de marchander l'achat de cinq yaourts, d'un litre de lait et de deux boîtes de pois chiches, on en fait une pièce de théâtre et on la monte au Varia. Quand t'as entendu ça, tu te dis que Pirette peut aller se rhabiller! Fatoum, la Berbère devenue bruxelloise dans les années 80, fait son entrée sur scène, accompagnée, elle aussi, du band admirable monté par Karim Lkiya. Ce dernier n'est pas le seul à manier les cordes, Katrien Van Remortel est assise à ses côtés , de même que Rik (?), à la contrebasse, on peut admirer Claire-Sarah Fouché, à la guitare, Olivier Crespel, sans doute Houssem Ben El Khadhi à la flûte (ney) et deux percussionnistes (derbouka, tar, bendir...), peut-être Néjib Farjallah et un certain Imad. Fatoum dédie le premier hymne à toutes les mamans du monde, les questions touchant à la féminité constituent un des thèmes essentiels du répertoire de la chanteuse qui a déjà deux albums à son actif ' Tarawin' (2014) et 'Urar-Inu'. Sa world music teintée d'harmonies européennes peut plaire à tous et en l'entendant on n'est guère surpris que des gens tels que Brian Jones, Robert Plant ou Jimmy Page se soient intéressés de près à la culture berbère. La seconde plage permet à Olivier Crespel d'étaler tout son talent, des éléments flamenco embellissent cette complainte étourdissante. Musicalement, Fatoum peut se retrouver sur la même étagère qu'Angelo Branduardi ou Madredeus. Après un message de tolérance, elle propose une nouvelle plage issue du patrimoine rifain, guitare et flûte se livrent à un duel amical qui aura le don d'enflammer l'auditoire. Toutes ces compositions présentent une richesse instrumentale foisonnante. Pour terminer son set, l'artiste invite Lina Charif à l'accompagner pour un dernier titre traditionnel repris en choeur par le public. Une performance éblouissante. Le dernier chanteur à se produire sur les planches de l'Espace Magh est venu en droite ligne d'Agadir. En foulant le sol bruxellois, le brave Hicham Massine s'est tapé un rhume carabiné et c'est d'une voix rauque qu'il s'adresse à nous. Ce soir, il a décidé de rendre hommage à l'icône du Haut Atlas, Ammouri Mbarek, l'innovateur de la musique berbère, décédé en 2015. Dans la salle des fans se souviennent qu'Ammouri a fait partie du groupe Ousman, qui est passé au Palais des Beaux-Arts il y a belle lurette. Le chanteur/guitariste avait emmené un excellent groupe dans ses bagages (un violoniste incroyable, guitare, basse, et percussions) et une surprise de taille, la chanteuse Zora Tanirt qui aura fait chavirer quelques coeurs. Après avoir réglé quelques problèmes techniques, le groupe entame le récital par un titre du natif de Taroudant traitant de la beauté de l'être humain. Tu peux oublier les côtés folkloriques, il s'agit bien de pop rock sophistiqué, chanté en berbère, qui s'adresse à tout le monde. La chanson dans son universalité parfaite. 'Jenvilier', ou Gennevilliers dans les Hauts-de-Seine, une commune à forte immigration maghrébine. Tous les Marocains de Bruxelles se reconnaissent dans ce chant et le font entendre. La suivante est pour la grande Zora, la rengaine démarre de façon traditionnelle avant de virer rock et d'électriser l'assistance. Le violoniste a saisit une sorte de banjo marocain, c'est l'heure du bluegrass de l'Atlas, ça va chauffer, mémé! Puis on revient à l'arabo-andalou embelli, une nouvelle fois, par le chant, aussi délicat qu'une rose du désert, de mademoiselle Tanirt. Hicham achève le set par un folk pop remuant se terminant en transe exaltée, l'euphorie est à son comble mais la fête est bel et bien finie. On clôture la soirée au bar de l'Espace en fraternisant avec de nouveaux copains! |
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